Corto viaggio sentimentale

Publié le par kevdallafrancia

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           Mes vacances ont vraiment commencé sous le panneau « indulás » (départ) devant l’entrée du terminal 2 de l’aéroport. Parce qu’avant ça, j’avais encore toute la merde quotidienne en tête : l’alternance imparfait/passé composé, le fromage trappista et son goût de plastique salé, les forints, la Borsodi, l’article partitif, l’itinéraire de Örs vezér tere à Köbanya Kispest et cet hiver qui n’en finit pas… Et tout en allumant une clope, pour changer, je pensais au temps et à la bouffe que j’allais trouver là-bas, et je jouissais intérieurement en regardant cette neige humide dégueulasse tomber en oblique jusqu’au sous le porche et que je n’avais plus à supporter que le temps de cette cigarette. Puis j’ai pensé à la prochaine étape : le contrôle de sécurité, alors j’ai ôté ma ceinture. Ca a fait rire un mec qui s’est mis à me dire un truc ; comme sa gestuelle était claire, j’ai compris qu’il me demandait si mon pantalon ne tombait pas. J’ai répondu : « Rendben van, nem esik ! » (Tout va bien, ça ne tombe pas), verbe que je connais depuis qu’on a étudié la météo en classe de hongrois : « la pluie/la neige TOMBE ». Ce sera tout pour la Hongrie, c’était le seul passage marrant.
 
          Depuis Fiumicino, je savais qu’on pouvait prendre la navette qui rejoint le centre-ville pour seulement 4,00 €. Mais pour aller jusqu’à l’hôtel je ne savais pas trop comment faire car il était déjà 23h et le service de transports en communs de jour allait s’arrêter. Alors je suis descendu du car à Termini qui avait l’air d’être l’endroit le plus central et j’ai pris le taxi : 15,00 € la course, j’ai été agréablement surpris… Chauffeur de taxi + italien = pas d’entubage ? C’était bizarre mais cool. Ma chambre single était propre. Pouvoir regarder la télé et COMPRENDRE m’a procuré un sentiment extrêmement reposant. Le premier soir, il y avait une émission sur des mystères scientifiques non résolus, j’ai vu un passage sur les « reals vampires » tout en vidant le mini bar : des mecs y expliquaient comment ils avaient besoin de boire du sang humain plusieurs fois par semaine pour être rassasiés. Les deux jours suivants, j’ai visité tous les trucs qui comportaient trois étoiles sur mon guide, donc censés être les plus intéressants comme le Colisée, le Forum Romain, le Vatican, Piazza di Spagna, Piazza del Popolo et tutti quanti. Par la suite, je suis passé à ceux qui comportaient deux étoiles, puis une seule. C’est le troisième jour que j’ai rencontré Shaula et Maya. Elles avaient accepté de m’héberger à partir du jeudi, or j’étais arrivé le mardi. Les deux jours précédents, j’étais censé dormir chez un autre CouchSurfer qui a dû annuler à la dernière minute car sa mère entrait à l’hôpital, c’est pour ça que j’étais à l’hôtel. C’est donc dans le bed & breakfast tenu par le père des filles que j’ai continué le séjour. Le soir de mon arrivée, un couple de Finlandais très sympa est venu discuter avec nous sur la terrasse et nous a offert un peu de charcuterie. A un moment, une bonne femme qui était en train d’étendre son linge à la fenêtre deux étages plus haut a salué Maya. On m’a tout de suite proposé de dormir dans une des chambres qui n’étaient pas occupées. L’endroit était arrangé avec beaucoup de goût, je me suis senti bien tout de suite ; et en plus d’être logé gratuitement dans un super endroit, j’avais ces amies que je retrouvais le soir et avec qui je dînais. En allant me coucher ce soir-là, j’ai lu sur la porte qu’il y avait une connexion WiFi, j’ai alors traîné quelques heures encore sur Internet avant de me coucher et chatté un peu dans l’espoir de rencontrer du monde.
 
          C’est comme ça qu’on s’est donné rendez-vous avec Valerio le lendemain à la station de métro Furio Camillo. Il pluviotait, comme les jours précédents et je n’avais toujours pas acheté de parapluie malgré les sollicitations incessantes des marchands ambulants qui en vendaient dans la rue. Mais je n’aime pas les parapluies et je n’aime pas les marchands ambulants. Au bout d’une heure et après une bière, on est allé chez lui. C’était une résidence universitaire très propre et très moderne. J’ai dû laisser mon passeport à l’entrée car les résidents ne peuvent pas y faire entrer autant de monde qu’ils le veulent et surtout les passants ne peuvent pas y rester la nuit. On s’est assis sur son lit tout en continuant à discuter. J’étais en train de feuilleter machinalement un bouquin de Sartre traduit en italien qui était posé sur sa table de nuit quand il a dit : « Mi posso avvicinare ? » (Je peux m’approcher ?). Ca m’a fait sourire pour au moins trois raisons : la première c’est qu’on discutait en français depuis un bon bout de temps déjà et que ce passage à l’italien était aussi soudain qu’inattendu, la deuxième c’est que c’était demandé gentiment et que je pouvais aussi bien jouer l’innocent qui ne comprenait pas ce qu’impliquait le fait de s’approcher, et la troisième c’est que j’avais très envie qu’il le fasse. On a passé deux jours entiers ensemble à visiter des trucs sympas, à marcher le long du Tibre, à entrer dans les églises. Je me suis dit que c’était quelqu’un d’attentionné au moins pour trois raisons : parce qu’il tenait le parapluie et à ce que je reste dessous, parce qu’ils mettaient ses mains autour du briquet chaque fois que je voulais allumer une clope pour que ça marche malgré l’humidité et parce qu’à intervalles réguliers, il me demandait : « Mi dai un bacio ? » (Tu veux bien m’embrasser ?) C’est juste après, quand il est parti deux jours à Cassino, au sud du Lazio pour rejoindre sa famille à Pâques que je me suis décidé à acheter un parapluie. Il était profondément désolé de devoir partir et avait hâte de revenir soit le lundi soir, soit le mardi matin, mais il essaierait de rentrer de préférence le lundi soir. C’est parce qu’il a insisté sur ce point que je lui ai proposé d’aller à l’hôtel le lundi soir, qui par ailleurs était le dernier soir avant mon départ. Et c’est parce qu’il avait vraiment l’air de trouver que c’était une bonne idée que j’ai réservé. S’il n’avait pas insisté pour qu’on se voie et pour me rembourser la moitié du prix de la chambre le lendemain matin, je n’aurais jamais accepté de le revoir avant de partir. J’ai passé toute la matinée à errer à l’intérieur et autour de la gare de Termini, sans pouvoir prendre une décision, sans pouvoir littéralement avancer, à hésiter à tout moment à prendre le métro pour retourner à Furio Camillo ou à partir immédiatement à l’aéroport. Je n’ai pas compris pourquoi il n’est pas venu à l’hôtel. Peut-être que cette histoire de malaise était vraie et qu’il ne pouvait effectivement pas bouger de chez lui. Mais pourquoi aller chez lui plutôt qu’à l’hôtel, je ne voyais pas quelle différence ça faisait. J’ai finalement accepté de croire qu’il ne s’est pas rendu compte de la valeur de certaines choses encore. Il a l’âge de ma sœur, elle aussi serait sans doute capable de faire ce genre d’erreur d’appréciation et de blesser de façon non attentionnelle. Nous avons donc profité des quelques erreurs avant mon départ pour passer un dernier moment ensemble. Il dit vouloir venir à Budapest prochainement. Sur le chemin du retour, mon parapluie s’est cassé, n’y a-t-il donc rien de durable pour me protéger de la pluie ?
 
          Je refais maintenant tout le voyage à l’envers. En sortant, je me retrouve sous le panneau « érkezés » (arrivée) du Terminal 2 de l’aéroport de Budapest. Il est encore une fois très tard et pendant que je me dirige vers un taxi, je me demande de quoi cette arrivée marque la fin et de quoi elle marque le début. 6000 Ft la course, pas trop d’entubage malgré la distance…
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