Privé d'anglais

Publié le par kevdallafrancia

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Comme on est privé de dessert, sans ménagement.

C’est ce qui m’attendait en revenant en septembre. L’année dernière j’avais encore le droit d’utiliser le désormais célèbre « Nem beszélek magyarul » (Je ne parle pas hongrois) quand un clodo m’abordait dans la rue ou que mamie Erzsébet voulait que je lui cède ma place dans le bus 45 direction Cinkota autobuszgarázs. « Nem beszélek magyarul » c’est un peu le « Parle à ma main ! » de l’expatrié, plus qu’une phrase culte : un credo, un cri de guerre, un ras le bol, un « Ta gueule, vous me faites tous chier à parler hongrois ». C’est comme chier à la gueule de la Hongrie toute entière et même l’Autriche-Hongrie si elle eut encore existé, en reniant tout à la fois son peuple, sa culture et sa langue dont on ne voit pas pour quel motif légitime on l’apprendrait. Pourtant en septembre je suis entré en B1… niveau intermédiaire, la mort lente et préméditée de « Nem beszélek magyarul ».

 

Que dire à la place ? Le problème, c’est pas que je parle pas ta langue, c’est que j’ai pas compris ce que t’as dit, ducon, mais si tu étais en mesure de ralentir le débit et d’utiliser un vocabulaire plus simple, ça pourrait éventuellement le faire… Soit : « Jaj, bocsánat, nem értettem. Legyen szívesen, meg egyszer ?! » (Mince, merde, fait chier, toutes mes plus plates excuses : je ne vous ai pas compris, auriez-vous l’obligeance de répéter ?) Depuis je me retrouve régulièrement catalogué comme le con du village. Tenez, la dernière fois par exemple j’ai changé de bureau de tabac pour recharger mon téléphone portable : erreur fatale ! A celui d’Örs Vezér Tere je suis toujours connu sous mon identité d’étranger qui utilise des mots incongrus pour se faire comprendre : « Je voudrais 3000 forints communication sur téléphone ».

Le con du village de niveau B1 tient quant à lui à peu près ce langage : « Je voudrais recharger mon portable 3000 forints, s’il vous plaît ».

- Non mais allô quoi, c’est « Je voudrais recharger mon portable DE 3000 forints qui faut dire »…

- Non mais allô, si je parle hongrois comme un grosse teub, c’est peut-être que je suis d’une autre nationalité et que j’ai une autre langue maternelle, la bouffeuse de goulache…

Mais au-delà de ça, c’est carrément mamie Erzsébet qui me manque de respect dorénavant… Si si, je vous assure, pas plus tard que samedi soir, c’était au szalagavató, le bal des rubans des classes de Terminale d’un des deux lycées où je travaille. Le spectacle avait lieu dans un théâtre. J’étais tranquillement assis dans la rangée réservée aux professeurs. C’est alors qu’une Erzsébet et un Sándor m’abordent.

Elle, d’un ton déjà agacé : «- Excusez-moi, c’est réservé ici ? »

Moi : «- Oui, aux professeurs. » (Igen, a tanároknak.)

Elle : « - Tessék? » (Putain, merde, quoi ? C’est quoi ce bordel ? Genre t’es prof alors que tu parles hongrois comme une vache russe ??)

Le con du village, derechef, en articulant : « Igen hölgyem, a tanároknak. » (Oui Madame, c’est bien réservé aux professeurs.)

Erzsébet à Sándor en me tournant le dos : « Nem is magyarul beszélsz! » (Tu sais même pas parler hongrois… pauvre type !) CQFD

 

Alors au nom de tous les pas hongrois : pardon ! Pietà! Pardon la Hongrie d’être aussi cons. Pardon de souiller ta terre et ta culture. Pardon de massacrer tous les plus beaux poèmes de Petőfi Sándor chaque fois que nous ouvrons la bouche. Je fais de mon mieux tu sais, je vais à l’école et j’apprends, j’apprends, je fais rentrer tout ce que je peux dans ma tête de con. Dans mon groupe à la Hungarian Language School, euh merde, sorry, pardon, fait chier, je veux dire à la Magyar Nyelviskola, nous ne parlons plus que ta langue et nous nous pâmons au son du moindre mot anglais entendu dans les couloirs. La tête de proue de ce front de lutte contre la langue anglaise est mené par Rachel, la Britannique du groupe :

« Naym toodom miaywt a másik tchowpowtok naym akawnak baysaylni mayawul veloonk a soonetben »

(Je ne sais pas pourquoi les autres groupes ne veulent pas parler hongrois avec nous pendant la pause).

« - Ööö, talán mert megint rosszul beszélnek magyarul és szégyellnek?»

(Peut-être parce qu’ils le parlent encore mal et qu’ils ont honte ?)

« - Paywsay, megaywtaym hogy saydjayllnayk! »

(Bah bien sûr, je comprends tout à fait qu’ils aient honte !)

C’est clair, quelle bande de trous du cul, franchement ! Genre avec l’anglais, ils pensent sérieusement qu’ils vont arriver à quelque chose dans la vie… ? Ridiculous… Névetséges!

 

 

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